MON ENGAGEMENT MILITANT Vers page 2, conférence du 4 février 2009, Bernard Foccroule et Dominique Rammaert
Vers page 3: Une réaction à l’éditorial de Roland de Bodt : " La pauvreté au XXème siècle "
Vers page 4: un tunnel à Los Angeles
Information de Presse: |
PROJET COLLECTIF NECESSAIRE Résonance en tout homme
Communiquer, se relier: nécessités vitales
Je m'interrogerai ici sur notre musique occidentale dont l'évolution a accompagné l'histoire de l'Europe. Le fait que nos amis du Quart Monde soient privés d'une culture particulière élaborée sans eux ne veut pas dire qu'ils sont coupés de toute espérance. Leur appel et leur cri de souffrance doivent donc d'abord être entendus par nous pour devenir authentiquement universels. Pour tous les peuples et, me semble-t-il, pour toutes les civilisations, toute musique, tout chant répondent à l'origine à une aspiration de l'homme à communiquer, à se relier (du latin "religare") avec la nature, le cosmos, ce qui l'attire, l'inquiète et le dépasse à la fois. Les sens sont inséparables du domaine des lois physiques et acoustiques qui, pour nous, se codifieront beaucoup plus tard. Et ce phénomène a une puissante action sur le psychisme où interagissent la mémoire et les références chargées de symboles. Notre musique ne s'est-elle pas construite sans la participation des très pauvres? Restituer cette culture, notre patrimoine commun, aux oubliés de cette marche, ne serait alors que simple justice. Il faut cependant constater que, en tout état de cause, il y aurait, chez certains de nos grands musiciens, comme une aptitude à sentir et même ressentir ce que l'homme vit dans ce qui lui est radicalement et viscéralement commun. J'entends par là surtout le sentiment souvent inexprimable de souffrance et de détresse qui peut toucher tout homme dans son être profond. Dans ce cas, la musique transmise par le langage des sons touche à l'universel car, implicitement, elle parle par elle-même de ce que, d'ailleurs, les plus appauvris d'entre nous reconnaissent comme semblable, comme faisant aussi partie d'eux-mêmes. "Quart Monde", N° 156 (revue trimestrielle française).
Les chants de "Résonances", de la détresse à la beauté.
Le résultat – tel qu'en témoigne l'enregistrement – est magnifique. Quart-Monde ou pas, il émane de ces interprétations une force et une qualité artistiques palpables, liées de façon primordiale – c'est l'oeuvre de Dominique Rammaert – à une excellente préparation. Articulation précise et claire, dans toutes les langues même si la prononciation du français est de loin la meilleure (une pureté d'accent dont les choeurs de la Monnaie pourraient s'inspirer), attaques nettes, consonnes sonores, et chantées (le nec plus ultra, rarissisme), autant de raffinement techniques qui propulsent le sens des textes et permettent à la musique de s'épanouir librement. Mais cela n'explique pas encore l'émotion irrésistible qui se dégage du disque. Sauf à observer que la chorale atteste – nouvelle performance – d'une véritable identité sonore et musicale, perceptible à la première écoute et traduisant toute une organisation sociale.
Martine Dumont-Mergeay.
A vos lettres… Le peuple des esseulés,
le peuple qui résiste.
Aimer la pauvreté, les esseulés, ignorés, des artistes, poètes morts dans l'ignorance, ignorés. En quête de liberté éternelle, marqués par une société qui aliène. Toute société aliène, tout groupe social porte des germes d'aliénation. La misère humaine a un visage. Il nous faut l'élargir, la décrire, l'entendre, la peindre. Elle est... et aide à forcer les hommes à ouvrir, agrandir des lois qui forcent et qui écrasent les hommes pour qu'en bénéficient, souvent d'une manière non-dite, bon nombre qui érigent ces lois et les soutiennent. La transformation et la libération de ces lois ne peut se faire que par le poids de tous ces gens, surtout non connus et considérés comme nuls, qui sont ivres de liberté et vivent une grande pauvreté, chantent et espèrent. Ils sont certes très, très nombreux, ils sont certes un grand peuple. Je ne pense pas qu'il faille le réduire seulement au sous-prolétariat de tous pays, comme je le nomme souvent. Il faut y adjoindre tous ces êtres qui ne comptent pas, qui cherchent, qui veulent chanter et dire la justice blessée au coeur. Ce peuple-là mène le grand combat de résistance aux puissants et à ceux qui, encore et toujours, font ce qu'on appelle l'Histoire: en marchant sur les corps et les vies oubliées et méprisées, sans mémoire.
Dominique Rammaert Le Matin, (Bruxelles, mercredi 6/10/1999).
Sur le spectacle "Les Ambassadeurs de l'ombre" au National: http://www.theatrenational.be/archives/saison2000/spectacles/ambassadeurs.html Titre de cette page WEB:
"Spectacle
Dominique Rammaert, un chef d'orchestre qui dirige la chorale de La Maison des Savoirs, avait déjà réalisé un CD avec des gens qui n'ont jamais eu de chance. Il les a conduits sur la scène de La Monnaie, un des lieux culturels les plus symboliques de Belgique. Depuis des années, l'action de la Maison des Savoirs passe par l'engagement personnel des gens les plus pauvres de notre société. Etre fauché n'empêche pas d'avoir des idées, des témoignages à communiquer, une culture à partager avec ceux qui ont eu de la chance. Plusieurs des choristes qui ont connu l'épisode de La Monnaie figurent dans l'équipe des Ambassadeurs de l'Ombre. D'autres les ont rejoints, élargissant les rangs. La répétition permet de faire connaissance avec des artistes au tempérament fort. "On confie nos histoires" Avançant vers les fauteuils du public, Yvette, une Bruxelloise au franc-parler sonore, allume une lampe de poche, balaie le rayon de la lampe sur les visages, glisse à ses compagnons qu'ils se trouvent dans un endroit où ils ne sont généralement pas invités. Hector, surnommé dans la pièce "le Rimbaud de Molenbeek", ce qui lui va bien, monte sur la scène, frappe sur le rideau métallique coupe-feu, -un symbole de la division de la société entre les riches et les pauvres-, et découvre la chorale qui chante du Brassens. (...) Anne et Marie-Thérèse, et d'autres comédiens, ont cherché à dénoncer l'injustice, l'exploitation de la misère. "Montrer que ceux qui sont dans le besoin ont de la dignité, malgré tout ce qu'ils ont vécu, cela fait du bien au coeur". La voix de Marie-Thérèse est embrumée et forte. Dans sa jeunesse, elle chantait pour gagner sa vie. Elle interprète toujours des mélodies de Nana Mouskouri ou de Mireille Mathieu dans les karaokés de Bruxelles.
(...) "Ensemble, nous montrons la réalité des restos du coeur, des
vestiaires populaires, dénonçons des gaspillages. Ce serait bien si le
public comprenait ce qu'on a voulu dire..."
Marcel Leroy.
Il est nécessaire de restituer la culture, vue comme un patrimoine commun, à ceux qui en sont exclus car l'accès à la culture constitue un droit fondamental, puisque les droits de l'homme sont indivisibles. Pour vivre pleinement, il faut pouvoir communier, s'exprimer. La marginalité matérielle dans laquelle se trouvent les plus pauvres, n'est qu'un aspect de la vie, le besoin est par contre intensifié chez eux car ils en sont plus privés quotidiennement. Les salles de concerts et théâtres d'opéra accueillent un public privilégié composé de connaisseurs et de mélomanes. L'idée me vint d'inverser cette tendance en offrant aux plus pauvres l'occasion d'être, le temps d'un concert, ce public choyé. Une première initiative fut prise en juillet 1986 par l'organisation d'un concert à l'hôtel Charlier où la salle fut remplie à 80% d'amis du Quart Monde. Dans le même temps, je devins un habitué de la Maison des Savoirs où très vite, les responsables m'incitèrent à prendre en charge un atelier musical. L'idée me paraissait bonne; j'avais dirigé des choeurs et j'avais été assistant du cours d'Art Lyrique au Conservatoire de Bruxelles. Et puis, sans disposer des moyens financiers pour équiper cet atelier, quoi de plus logique que d'utiliser cet instrument naturel entre tous que constitue notre voix? Même sans avoir appris à chanter, certaines personnes possèdent naturellement un bon timbre ou une voix, des qualités innées qui peuvent très vite se développer grâce à un travail adéquat. C'est ainsi qu'a débuté en 1991 notre projet de chorale.
Pendant sept ans, j'ai oeuvré pour communiquer mon savoir et mon amour de la musique aux habitants des quartiers les plus pauvres de Bruxelles. Travail lent et laborieux, car chanter c'est aussi lire, parler, écouter, comprendre un texte, l'assimiler. Je dus me rendre à l'évidence de la nécessité d'éduquer peu à peu l'oreille, organe essentiel pour la musique, de tenir compte de l'irrégularité de la présence comme inhérente à ceux que l'on cherche à atteindre. Petit à petit, le projet prit de l'ampleur. Dans la durée, la chorale a touché de 70 à 80 personnes dont la majorité avaient une expérience de la misère.
Dominique Rammaert
Pour la deuxième année consécutive, Mons-Musiques, ATD Quart-Monde, le CPAS, ESOP (Entraide et Solidarité Protestantes) et la Maison d'Accueil Saint-Paul se sont donnés la main pour préparer une soirée (dès 20h) du jeudi 8 novembre, dans l'auditorium Abel Dubois de la RTBF. Au programme: la "Symphonie concertante K 364" de Mozart, trois extraits de la "Suite Lyrique" d'Alban Berg et "Four for Tango" d'Astor Piazzola. Le compositeur Gille Gobert proposera également une oeuvre contemporaine belge en création mondiale, un quatuor pour cordes et percussions. "Tout le monde doit pouvoir accéder à la musique, explique Dominique Rammaert, directeur de l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie. Et ce n'est pas parce que le public vit dans la précarité qu'il faut choisir la facilité dans le programme proposé. Mozart, par contre, est très demandé par les gens du quart-monde." "La Province", mercredi 31 octobre 2001.
"Exclusion"Concerts avec l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie des 17 et 18 octobre 2000, en l'honneur de la "Journée Mondiale de Refus de la Misère"
Une part importante du public de ces concerts est exclue des clés et donc des relations humaines que se constituent les groupes sociaux dominants ou qui en dépendent à divers niveaux. La musique occidentale savante est concrétisée dans ses circuits commerciaux (salles de concerts, grands orchestres, industries du disque et théâtres) qui sont une conséquence "lisible" des puissances économiques du marché. "Les Folles Journées, consacrées à la musique russe" de Nantes (Le Monde du 30/10/2001) sont l'utilisation adroite de ce marché dont profitent surtout les plus soumis à ces pouvoirs très dispersés dans la société, car surtout actifs dans les esprits (pensée, systèmes de valeur,...);
prix "démocratiques", "pour tous"?
Souvent, et c'est à mon sens déplorable, les artistes très connus, voire des stars, sont plus ou moins dupes et très heureux de jouer pour un public qu'ils ne touchent pas en général. Trop occupés par leur carrière, ils ont rarement le temps pour réfléchir à des questions sociologiques simples: qui est ce "tout public"? Pour qui jouons-nous en fait dans notre société contemporaine? Qui servons-nous en acceptant les cachets "légitimes" que nous demandons? De qui sommes-nous les "valets", qui sont nos maîtres, en clair? Si l'art de la musique est avant tout d'essence spirituelle (il faudrait préciser en Occident de quelle spiritualité il s'agit), force est de constater que la récupération de l'histoire culturelle, sociale et politique accapare nettement cette manne céleste au profit de certains, très nombreux d'ailleurs. On parle et on écrit souvent sur l'Homme. Ne serait-il pas plus conséquent de dire l'Homme dépouillé (élargissons-le à une population mondiale pas si classifiable qu'il peut paraître globalement)? Dépouillé en fait des clés des connaissances, des savoirs des relations humaines bâtissant les valeures pratiquées et même sublimées. Là est le regard aigu des Droits de l'Homme, conscience puissante et radicale émergeant douloureusement de l'Histoire. Cette manière de voir n'est pas encore dans la tête de la plupart. On me dira: comment garder à l'esprit cette exigence, si tant d'informations et d'actes du quotidien détournent et dispersent de cette pierre d'angle: l'Homme? Cependant, les interprètes pratiquent quotidiennement ces clés lorsqu'ils jouent les grands inspirés de l'histoire de la musique. De quelle conception de l'homme nous vient le développement de la polyphonie occidentale (organisation plurale des voix, sans prééminence au départ)? Schönberg, pour l'orchestre en tout cas, note H (Hauptstimme: "voix de tête") et N (Nebenstimme: "voix à côté"); dans les transformations successives, les unes alimentent les autres, nourrissant les énergies créatrices. A. Knaifel, compositeur russe contemporain, donne une définition éclairante du rôle de la musique: "Le rôle de la musique est d'indiquer un domaine vers lequel ne mène aucun chemin, un domaine qu'on ne peut atteindre, qui n'a pas de territoire défini et qui, pourtant est là." Quelle est la force, dès lors, qui pousse le Monde Musical à se soumettre à un concept hiérarchique opposé, voire étranger, à cette définition... ou peut-être, pour certains, à se prostituer? Quel service de l'Homme (service = d'abord pensée et concept de l'Homme en société)? Pouvais-je faire autrement que de diriger les concerts des 17 et 18 octobre en l'honneur de la population mondiale des déshérités, sans cachet, pour signifier le refus d'adhésion à cette pensée dominante citée plus haut? Ce n'est pas la gratuité d'un concert "pour" qui nous change, mais la volonté de gratuité intérieure qui pousse à l'acte public. Wozzeck a, pour moi, une vertu unique dans l'histoire de la musique; "Wir,arme Leute" montre l'homme à sa vraie place, humilié par nos idées sur lui. Büchner et Berg ont été saisis, malgré la distance de vie les séparant, par cette lumineuse et douloureuse lucidité; ils ont servi très modestement, mais de toutes leurs forces, la Marche des Hommes.
Dominique Rammaert, février 2001.
(Projet d'article, non publié)
Après Rennes et Caen, » L’Orchestre pour la Paix « sera à Bruxelles et à Mons .Au pupitre de direction : le belge Dominique Rammaert , pour qui l’ombre est devenue lumière. Les plus attentifs se souviendront de l’action « Parcours d’Opéra » qui permit à des familles du Quart Monde de découvrir « Wozzeck », la « Kovanchtchina » et la « Cenerentola « , à la Monnaie en 1995, d’une tournée de concerts de la chorale de la Maison des Savoirs (1998), d’une pièce bouleversante intitulée « Les Ambassadeurs de l’ombre », mise en scène par Lorent Wanson , donnée au Théâtre National en 2000 , reprise au KunstenFestival des Arts en 2001 : derrière tout cela , un musicien , de l’ombre lui aussi , qui se définit calmement comme un « chef d’orchestre parmi les humiliés » Le départ professionnel de Dominique Rammaert fut pourtant des plus brillants : fils du compositeur Alove Rammaert dont il dirigera deux œuvres en création ,élève de Del Pueyo pour le piano et de René Defossez pour la direction d’orchestre, premier lauréat des concours de Salzbourg en 1972 et de Besançon en 1973 , il mena un parcours international , principalement dans les maisons d’opéra germaniques ,jusqu’en 1983, époque d’une retraite personnelle qui le conduira au mouvement Aide à Toute Détresse (ATD Quart Monde) ou son talent s’épanouit « autrement « depuis . ….. ET RENCONTRE AVEC ESTRELLA En 1988, sa trajectoire rencontre celle du pianiste argentin Miguel Estrella ,fondateur de Musique Espérance.A l’occasion d’une tournée au Moyen Orient , l’idée d’un « orchestre pour la paix « surgit pour la première fois ; après des années de gestation, en 2002 , une première tournée qui s’avéra un immense succès prend son départ en banlieue parisienne , à ,Colombes la bien nommée ……….. Une seconde tournée nous vient de France ce week-end , passant par Bruxelles et par Mons , donnée par une bonne quarantaine de musiciens , tous de formation classique , avec à leur programme la « Symphonie no 1 » , dite « Classique « , de Prokofief et la « Symphonie no 4 « de Beethoven .Le nom de l’orchestre n’a pas changé , c’est l’ »Orchestre pour la Paix ».Son recrutement s’est fait en Israël et en Palestine , et dans une série de pays « sensibles » , en Tunisie , en Egypte , au Liban, en Ouzbékistan, en Iran , en Irak. Son objectif :être un exemple de coopération dans le processus de paix au Proche –Orient … .. Pour les concerts donnés les 16 et 17 avril prochain , Rammaert partage sa baguette avec le chef d’orchestre égyptien Nader Abassi (directeur de l’Opéra du Caire).Entre les deux symphonies occidentales , une plage de musique classique « traditionnelle « du Moyen-Orient …. ( Martine Dumont Mergeay – La Libre Belgique des 16/17 avril 2005)
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